Saintélyon 2013 – vue par Marina
La belle équipe à quelques minutes du départ
Ca va moins rigoler dans quelques heures !
La pratique intensive du flegme britannique avant l’épreuve
Mag & Guigui, le duo star du club sur cette épreuve
2 finishers bienheureux d’en terminer !
Notre Don Camillo qui a assuré comme un chef
Nous étions 5 du club sur la ligne de départ de cette 60ème édition de la Saintélyon, dont 2 avaient déjà fait la course les années précédentes (Salva en 2012, Max en 2010 et 2011). Le ressenti des « vieux de la vieille » au terme de ce raid nocturne est que le nouveau parcours (75,9 km au lieu de 70, 1800+ de dénivelé positif) n’a pas totalement tenu ses promesses : beaucoup trop de montées abruptes qui empêchaient tout le monde dans le peloton du milieu de courir, de descentes dangereuses qui posaient le même problème, et au final peu de chances de relancer la machine sur un plat trop rare. Sensation d’avoir souffert sans trouver particulièrement de plaisir sur du long, et c’est bien la première fois…
Mais revenons à nos crampons. Euh, moutons. St Étienne au départ était à -5 degrés. Les 7 premiers km se courant en ville, c’est sur la première montée goudronnée que nous nous rendons soudain compte du problème qui va caractériser cette édition 2013 : les routes sont totalement verglacées et 40 min dans la course, on voit déjà passer pompiers et ambulances. On vient d’atteindre les hauteurs, une neige complètement gelée nous attend, on fait 1 pas en avant pour 3 en arrière. J’enfile mes crampons rutilants jamais testés (merci Amazon !) et je sens immédiatement la différence, tandis qu’autour de moi les gamelles des concurrents non équipés se multiplient. Il m’arrive de déraper, ça fait mal car les muscles contractés par le froid n’aiment pas ces étirements soudains, mais j’assure quand même mieux que ceux qui courent en simples baskets de trail. Peu à peu la file de coureurs s’étire, devant nous s’étend un immense ruban de lucioles, les frontales des milliers de gens qui nous précèdent, et derrière le spectacle, étonnant, est le même. Le regard n’arrive même pas à atteindre les derniers tant nous sommes nombreux sur le parcours.
La file des concurrents dans les 30 premiers km
Nous poursuivons notre longue et lente montée dans la neige en courant, parfois totalement glacée en des sillons traîtres, parfois molle et cachant des pièges inattendus. Enfin on arrête de monter un moment pour aborder les descentes. Et là, c’est hallucinant, pour un peu il y aurait plus de monde par terre que sur pied. Là encore je bénis mes crampons qui me permettent tout juste de garder une certaine adhérence au terrain. Je ne vais pas vite, mais je poursuis mon bonhomme de chemin tandis que les coureurs non équipés s’accrochent aux branches, aux talus, à tout ce qu’ils trouvent pour ne pas dévaler ces méchantes caillasses sur le derrière. Paul, me dira d’ailleurs ne pas avoir mis ses crampons pour ne pas perdre de temps et en chutant, avoir doublé sur le dos pas moins de 15 coureurs !
Arrivés à Sainte Catherine, c’est le soulagement. A priori après cette longue série de montées déterminées à nous envoyer à l’hosto, on devrait passer notre temps à redescendre jusqu’au bout.
Pourtant, quand je repars après un arrêt soupe chaude au ravito, je constate avec étonnement que nous continuons à remonter. Encore et toujours, et très vite, succède à la glace un terrain totalement dégelé où la boue et l’eau se côtoient. La longue file ralentit, se bloque, certains tentent de couper court en escaladant les barbelés, le passage est impossible sans se mouiller, j’en ressors avec de la bouillasse jusqu’aux chevilles et mes 2 paires de chaussettes remplies d’eau glacée. Le terrain a beau être en pleine montée et pas très cordial, un vent glacial nous assaille et pour me réchauffer les pieds, je n’ai d’autre choix que de courir, courir, courir. Je me demande si un jour je vais retrouver l’usage de mes gros orteils !
Comme nous continuons à monter des chemins où la glace a refait son apparition, je me remémore le parcours sur la carte. En effet j’avais remarqué quelques pics mais comme les anciens avaient dit « après Sainte Catherine, c’est tout en descente », je n’avais pas réalisé à quel point les ascensions seraient nombreuses. Changé à plus de 40%, le parcours entre 42 et 75km n’a, me dit-on, plus rien à voir avec l’ancien.
Justement, j’atteins enfin le ravitaillement des 42, le moral en berne et les chevilles explosées par le port des crampons, quand je reçois un SMS de Paul me disant qu’il a abandonné, le genou blessé n’ayant pas résisté à la dureté du sol. Et là, les doutes m’assaillent. Qu’est-ce que je fais ? Je m’arrête aussi ? Les navettes qui remmènent les gens sur Saint-Etienne sont garées pas loin, la tentation est grande d’autant que je ne prends pas tellement de plaisir à cette course, et ayant démarré plus lentement que les copains du club, je suis seule au milieu de gens qui courent en groupes de 2, 3, 5, 10.
Pour la première fois, j’ai envie d’abandonner pour la simple raison que je m’ennuie, tout bêtement. Finalement, l’orgueil prend le dessus (à ceci s’ajoute un gros coup de pied que je me mets mentalement au c** et avec les crampons, il fait mal) et pour m’assurer de ne pas flancher, je passe directement le ravito sans prendre la peine de m’arrêter (grosse erreur, je chercherai ensuite des toilettes pendant 20 bornes!!) et repars en courant, gobelet de soupe en main. Il est alors 4h30 du matin et le froid est mordant, il fait -10, des milliers de gens me précèdent et me suivent mais on n’entend
que, de temps à autre, les jurons de ceux qui tombent. Le souffle court, on force sur les cuisses pour traverser les bois abrupts le plus vite possible. Le jour commence à se lever et soudain me rattrapent Marie Emorine et Charles Granday, que j’ai dû doubler pendant la nuit sans m’en apercevoir. Ils me proposent que nous courrions ensemble mais je refuse. Je sais que partir avec eux à ce stade et à leur vitesse, bien trop rapide pour moi, serait une grosse erreur, je ne vais pas vite mais je sais gérer mon effort.
Peu après, alors que je suis les autres en file indienne, j’aperçois au loin un bonnet que je crois reconnaître, celui, d’un charmant bleu layette tout neuf et dont je me moquais en attendant le départ, de notre cher Presidente. Je l’interpelle, oui c’est bien lui, enfin les longues heures de solitude vont s’arrêter ! Moi, mon moment de faiblesse est passé et révolu, mais lui, il est en plein dedans et ça se voit. Je décide donc qu’on terminera ensemble, coûte que coûte, l’union fait la force et blablabli et blablabla, et puis je dois reconnaître que ça me permettra de me racheter après l’avoir lâchement abandonné aux requins lors du trail du Morbihan (oui j’exagère peut-être un peu mais quand même, je m’en étais voulu de le lâcher ainsi après lui avoir fait la morale sur la Charte sacrée du Binôme avec Lequel on Commence et avec Lequel on Termine Quoi Qu’il en Soit…)
Les 30 derniers km semblent interminables. Les descentes attendues ne se profilent pas, les adducteurs n’en peuvent plus de ces montées. Je sais, ce n’est pas encore la Diagonale des Fous mais quand même faut pas abuser. Le froid s’est atténué, il est 8h du matin, nous avons assisté à un lever de soleil magnifique dans les collines surplombant Lyon (l’un des gros points positifs de la course, avec les supporters de nuit qui ont été tout simplement magiques sur tout le parcours !!) et maintenant le matin s’étire en une longueur incroyable. Salva ne sait plus comment poser les pieds qu’il a en feu, à trop avoir porté les crampons sur le bitume… et avec des baskets inadaptées.
Lever du jour, un moment inoubliable… pour plein de raisons !
J’essaie de nous distraire, je parle de ses vacances, de notre magnifique ultratrail dans le Morbihan, de nos marathons ensemble, je tente un peu tout pour faire passer le temps plus vite jusqu’à la ligne d’arrivée et oublier que nous ne courons pas plus vite que la Carmen Cru en trottinette.
(Salva, alias Carmen, qu’il faut pas embêter quand il a mal aux pieds)
A 10km de l’arrivée, la dernière grosse montée se profile. Le matin est bien entamé et les gens nous applaudissent. Un joueur de cornemuse plein de couacs nous accompagne un moment (bien assez long) et nous avons une pensée émue pour ses pauvres voisins, imaginant leur martyr s’il joue ainsi depuis que passent les premiers concurrents…
Plus que 5km. Dieu qu’ils sont longs. 4 km, 3km, nous attaquons la série d’escaliers, une centaine ou plus, difficiles à aborder, heureusement mes cuisses n’ont pas trop souffert des montées car j’ai ralenti sur les 20 dernières bornes, et je suis étonnée d’avoir encore la force de les descendre normalement en courant. Il me reste de l’énergie à dépenser mais je suis déterminée à ce que nous partagions ensemble le plaisir de terminer ce raid.
2km, la pré-fin du parcours est absolument hideuse. Au milieu des travaux, le long du Rhône, sous des ponts en réparation, je n’ai jamais rien vu de tel, question Finish, il faudra revoir la copie. Salva met tout ce qu’il a dans ces dernières centaines de mètres, je lui suggère de s’imaginer qu’il n’est plus à Lyon mais à Embrun, sur l’Ironman de ses rêves, de se dire que le public n’est pas lyonnais, ahuri et citadin, mais que c’est la foule en délire d’Embrun qui l’accompagne sur la fin de son marathon, et comme toujours, l’adrénaline joue son rôle. On accélère, il me prend la main et nous passons l’arche extérieure tout sourires, en plein sprint (enfin, c’est la sensation qu’on a, on faisait peut-être du 3 à l’heure), poursuivons à l’intérieur de la halle des sports où se massent encore une centaine de spectateurs courageux, accélérant toujours, et tombons dans les bras l’un de l’autre une fois la ligne passée. L’émotion est énorme. 12h43, ça ne fait rien, on est Finisher, on l’a fait, on l’a terminée cette foutue Saintélyon.
Les résultats des coéquipiers sur l’épreuve : Maxime Derangère termine en 10h28 , Magali Marizy et Guillaume Laplante en 10h42 et Marina Attwood-Philippe et Salva Pintus en 12h43 , abandon de Paul Attwood -Philippe.
Marie Emorine et Charles Granday terminent en 11h50. (ou résultats ici pour plus de détails)
Une vidéo officielle de la course vient d’être publiée ici
Cathy
Bravo bravo bravo à tous !!!
Merci pour ce beau récit Marina, on a vraiment l’impression d’avoir couru avec vous (alors que l’on était bien au chaud chez nous !!!) …
Maxime
Bon récit Marina, il est révélateur des difficultés rencontrées lors de cette 60 ème édition de la sainté. Belle photo de Don camillo!!!!!
Eric
Émouvant rien qu’à la lecture ! alors qu’est-ce que ça a du être pour vous :). Encore un super récit de notre rédactrice en chef, Marina !
Bravo à tous les courageux !
Guillaume
Une aventure et une nuit inoubliable, une expérience de folie à revivre……..en 2014!! ……Mag t’es prête??